Les psychédéliques classiques influencent profondément les états émotionnels, provoquant des expériences émotionnelles aiguës intenses suivies de changements subtils et durables dans la réactivité émotionnelle, pouvant persister plusieurs semaines. Bien que les études cliniques contrôlées fournissent des preuves de ces effets, l’impact des psychédéliques dépend fortement du contexte. Il reste donc à déterminer si une utilisation naturaliste et moins contrôlée des psychédéliques module de manière similaire la réactivité émotionnelle.
Pour répondre à cette question, cette étude transversale pré-enregistrée en IRMf a comparé des utilisateurs expérimentés de psychédéliques (≥10 expériences au cours de leur vie ; N = 33) à un groupe apparié de non-utilisateurs (N = 34) concernant leurs réponses comportementales et neuronales à des expressions faciales émotionnelles. Les utilisateurs de psychédéliques ont montré une reconnaissance plus rapide et plus précise des expressions faciales de colère, suggérant une interférence réduite des stimuli liés à la menace pendant la tâche.
Les analyses IRMf du cerveau entier ont révélé des réponses neuronales diminuées à la colère dans les régions du réseau limbique et de la saillance, associées à des réponses accrues au bonheur dans les zones pariétales et sensorimotrices, ce qui est cohérent avec les résultats cliniques antérieurs. De plus, les utilisateurs ont montré une activation accrue du précunéus en réponse aux expressions faciales de peur. Les analyses des régions d’intérêt ont en outre indiqué une différenciation réduite des catégories émotionnelles dans deux régions du réseau du mode par défaut : le cortex médial frontal et le gyrus parahippocampique. En conclusion, l’étude offre une vision nuancée des altérations neurofonctionnelles du traitement émotionnel associées à l’utilisation naturaliste de psychédéliques, faisant progresser la compréhension de leurs effets potentiels à long terme.
L’objectif de cette étude pré-enregistrée et transversale était d’utiliser l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour comparer les réponses comportementales et neuronales aux expressions faciales émotionnelles entre un groupe d’utilisateurs expérimentés de psychédéliques et un groupe de non-utilisateurs soigneusement apparié. L’étude visait spécifiquement à déterminer si les schémas d’activité cérébrale évoqués par la perception des émotions différaient entre ces deux groupes, en s’appuyant sur des études antérieures en EEG et des études pharmacologiques aiguës. L’hypothèse principale était que les utilisateurs montreraient une réactivité neuronale atténuée aux stimuli émotionnels négatifs, reflétant une modulation persistante des réseaux neuronaux de traitement des émotions.
- L’étude a recruté des participants via une enquête en ligne à grande échelle (N=2573) pour sélectionner des candidats éligibles.
- Deux groupes ont été formés : un groupe d’utilisateurs expérimentés de psychédéliques classiques (N=33, au moins 10 expériences au cours de leur vie) et un groupe de non-utilisateurs (N=34). Les groupes ont été soigneusement appariés sur des caractéristiques démographiques clés, la consommation d’alcool et de cannabis, et l’usage d’autres substances psychoactives pour minimiser les variables confusionnelles. Les participants devaient s’abstenir de psychédéliques pendant au moins 30 jours avant l’étude.
- Les participants ont réalisé une tâche de perception d’expressions faciales émotionnelles dans un scanner IRMf, où ils devaient identifier des visages exprimant la colère, la peur, la joie ou la neutralité.
- Les données d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et structurelle ont été acquises à l’aide d’un scanner 3T Siemens Magnetom Prisma.
- L’analyse des données comportementales (temps de réaction et précision) a été effectuée à l’aide de modèles à effets mixtes. Les données de neuroimagerie ont été prétraitées avec fMRIPrep et analysées au niveau du cerveau entier et de régions d’intérêt (ROI) pour comparer l’activation cérébrale entre les groupes pour chaque condition émotionnelle.
- Sur le plan comportemental, les utilisateurs de psychédéliques ont été significativement plus rapides et plus précis que les non-utilisateurs pour reconnaître les visages en colère. Aucune différence significative n’a été observée pour les visages exprimant la peur, la joie ou la neutralité.
- L’analyse IRMf du cerveau entier a montré que, par rapport aux non-utilisateurs, les utilisateurs présentaient une activation neuronale plus faible en réponse aux visages en colère dans des régions clés du réseau limbique et de la saillance (insula gauche, aire motrice supplémentaire gauche, gyri frontaux inférieurs bilatéraux).
- En réponse aux visages craintifs, les utilisateurs ont montré une activation plus élevée dans le précunéus.
- Pour les visages joyeux, les utilisateurs ont montré une activation plus importante dans de larges régions pariétales et sensorimotrices.
- L’analyse des régions d’intérêt (ROI) a révélé que les utilisateurs montraient une différenciation neuronale réduite entre les catégories émotionnelles dans le cortex médial frontal et le gyrus parahippocampique, deux zones centrales du réseau du mode par défaut. Cet effet était particulièrement visible par une réactivité atténuée aux émotions négatives. Aucune différence significative entre les groupes n’a été observée dans l’activation de l’amygdale.
L’étude suggère que l’utilisation naturaliste de psychédéliques est associée à des altérations durables du traitement émotionnel. Les résultats comportementaux et neuronaux, notamment une réactivité diminuée à la colère dans les réseaux limbique et de la saillance, indiquent que les utilisateurs pourraient être moins sujets à l’interférence des informations menaçantes. Parallèlement, une sensibilité neuronale accrue aux stimuli positifs pourrait sous-tendre les améliorations de l’humeur et du bien-être souvent rapportées.
Les analyses des régions d’intérêt révèlent une différenciation atténuée des réponses émotionnelles dans des zones clés du réseau du mode par défaut (DMN). Ce profil de réponse émotionnelle aplati pourrait représenter une signature neurobiologique d’une résilience émotionnelle accrue et d’une diminution de la rumination, en résonance avec les observations cliniques sur le potentiel thérapeutique des psychédéliques pour la dépression.
L’absence de différences significatives dans l’activité de l’amygdale, contrairement aux études sur les effets aigus, suggère que la modulation de cette région pourrait être un effet transitoire qui se dissipe avec le temps, du moins dans le cadre d’un usage naturaliste suivi d’une période d’abstinence. Ces résultats soulignent la nature nuancée et spécifique des modulations émotionnelles induites par les psychédéliques, qui semblent résulter d’une réorganisation complexe au niveau des réseaux cérébraux plutôt que d’un phénomène unitaire.
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