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Psychédélique(s) étudié(s) : Psilocybine
Publiée le 1 juillet 2022
Type : Etude critique
Auteurs : Chiara Caporuscio
Résumé :

Ce commentaire examine la défense de la thérapie psychédélique par Chris Letheby, qui repose sur l’idée que les intuitions auto-référentielles facilitées par les substances psychédéliques ont un avantage épistémique sur celles concernant le monde extérieur. L’auteure soutient que cette affirmation n’est pas suffisamment étayée dans l’argumentation de Letheby. Plus précisément, elle propose qu’un élément sous-exploré est la capacité des croyances auto-référentielles, contrairement aux croyances sur le monde extérieur, à devenir des prophéties auto-réalisatrices.

L’étude met en lumière l’importance de reconnaître l’expérience psychédélique et le processus d’intégration subséquent comme des opportunités non seulement d’appréhender certains faits sur le soi, mais aussi de façonner et de redéfinir activement ces faits. Cette perspective est jugée essentielle pour comprendre les différences épistémiques entre les intuitions que les patients ont d’eux-mêmes et celles qu’ils ont du monde extérieur.

Objectif :

L’étude vise à analyser la défense de la thérapie assistée par les psychédéliques de Chris Letheby, en se concentrant sur la position épistémique des intuitions liées au soi par rapport à celles du monde extérieur.

Plus précisément, elle a pour objectif de critiquer le manque d’approfondissement sur un élément clé dans le cadre proposé par Letheby : la capacité des croyances auto-référentielles à se transformer en prophéties auto-réalisatrices. L’auteure cherche à proposer une argumentation alternative expliquant pourquoi les intuitions liées au soi pourraient avoir un avantage épistémique supérieur à celles concernant le monde externe.

Méthodologie :
  • Approche : L’étude adopte une approche de commentaire philosophique et d’analyse critique de l’ouvrage de Chris Letheby, « Philosophy of Psychedelics ».
  • Reconstruction d’arguments : L’auteure commence par reconstruire l’argumentation de Letheby concernant l’acquisition de connaissances propositionnelles via les psychédéliques, en suggérant qu’elle place les intuitions auto-référentielles dans une position épistémique très similaire à celle des croyances concernant le monde extérieur.
  • Analyse critique : Elle critique l’argument de Letheby en affirmant que si les psychédéliques sont également susceptibles d’induire des croyances fausses sur le soi et sur le monde, sa réponse à l’Objection de la Délusion Confortante (CDO) est moins convaincante.
  • Proposition alternative : L’auteure offre un argument alternatif, jugé sous-exploré dans le livre de Letheby, pour expliquer pourquoi les intuitions liées au soi pourraient après tout être dans une meilleure position épistémique que les intuitions concernant le monde extérieur.
  • Cadre théorique : L’analyse s’appuie sur des concepts issus de la théorie générale du traitement prédictif, du modèle REBUS et de la théorie de l’auto-liaison prédictive pour discuter de la réduction de la pondération des priors auto-référentiels sous l’influence des psychédéliques.
  • Concept clé : L’auteure introduit et développe le concept de prophéties auto-réalisatrices pour les croyances auto-référentielles, soulignant le rôle actif de l’expérience psychédélique et de l’intégration post-session dans le façonnement du soi.
Résultats principaux :
  • Limitation de l’argument de Letheby : L’analyse montre que l’argument de Letheby pour l’acquisition de connaissances propositionnelles via les psychédéliques place les intuitions auto-référentielles dans une position épistémique très similaire à celle des croyances concernant le monde extérieur, ne justifiant pas un statut spécial pour les premières.
  • Généralisation de l’argument : L’étude démontre que l’argument selon lequel l’administration de psychédéliques peut augmenter la probabilité d’appréhender des faits avec précision en diminuant le poids des priors se généralise au-delà des croyances auto-référentielles, s’appliquant aussi aux faits sur le monde externe.
  • Absence de fondement épistémique intrinsèque : L’auteure constate que, sans une explication plus robuste, les intuitions auto-référentielles n’ont pas de fondement épistémique plus solide que celles indépendantes du soi, ce qui affaiblit le rejet de l’Objection de la Délusion Confortante (CDO) par Letheby.
  • Rôle des prophéties auto-réalisatrices : L’étude introduit et développe l’argument selon lequel les intuitions auto-référentielles ont un avantage épistémique en raison de leur capacité à devenir des prophéties auto-réalisatrices. Les croyances sur le soi, contrairement à celles sur le monde extérieur, peuvent être activement façonnées et redéfinies par l’individu à travers des pensées exploratoires et des comportements.
  • Processus en deux étapes de la thérapie : Le succès épistémique de la thérapie psychédélique est décrit comme un processus en deux phases : la période de l’expérience est pour la découverte (relaxation des priors, exploration de nouvelles façons de penser et d’agir), et l’après-coup est pour la consolidation et l’engagement (intégration et mise en œuvre des nouvelles croyances).
  • Importance de l’intégration : Les mois suivant l’expérience sont cruciaux non seulement pour évaluer la plausibilité des intuitions, mais surtout pour que l’individu consolide ces nouvelles croyances en adaptant son mode de vie, ses pensées et ses actions.
Implications cliniques :

L’étude met en évidence plusieurs implications notables du caractère auto-réalisateur des croyances auto-référentielles dans le contexte des substances psychédéliques.

Premièrement, elle suggère un rôle plus important pour la période d’intégration et le soutien psychologique post-expérience psychédélique. L’auteure avance que le succès épistémique de la thérapie psychédélique se déroule en deux phases : la session est consacrée à la découverte d’insights, tandis que la période post-session est dédiée à leur consolidation et à l’engagement. Le test direct de la véracité des insights n’est pas le mécanisme principal, mais plutôt la capacité des patients à façonner leur réalité subjective au fil du temps par leurs actions et pensées.

Deuxièmement, la nature auto-réalisatrice des caractérisations de soi, tout en atténuant les risques épistémiques, comporte également de graves risques psychologiques. L’étude souligne que tout comme les insights positifs peuvent façonner les états mentaux et les comportements futurs de l’utilisateur, les insights psychologiquement néfastes peuvent également le faire. Un « bad trip » peut ainsi déclencher la conviction qu’une personne est profondément incapable d’être heureuse, ce qui ne comporte pas seulement des risques épistémiques mais aussi des risques psychologiques.

Pour atténuer ces risques, il est crucial de se concentrer sur deux aspects : une préparation adéquate avant l’expérience, une dose modérée et un cadre contrôlé peuvent réduire significativement les chances d’un « bad trip ». De plus, un soutien psychologique et comportemental pendant la période d’intégration est essentiel pour aider l’individu à intégrer les insights bénéfiques et à reconnaître et écarter ceux qui sont dommageables.

L’étude conclut que les psychédéliques facilitent un état de flexibilité temporaire où les modèles de soi préjudiciables peuvent être abandonnés et de nouveaux peuvent prendre leur place, se consolider et façonner puissamment le futur soi. Cependant, cette flexibilité accrue est neutre en soi ; c’est ce qui se passe avant, pendant et après la session qui détermine si les modèles nouvellement adoptés seront nuisibles ou thérapeutiques.

La synthèse de cette publication académique peut présenter des erreurs. Envisagez de vérifier ses informations en consultant la publication complète.

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