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Silhouette d’un visage humain fusionné avec un arbre en feu, symbolisant la transformation intérieure et la reconfiguration émotionnelle par l’imagerie mentale et les psychédéliques.

La RIM, ou méthode de régénération d’images en mémoire, est déjà utilisée pour accompagner des traumas, des dépendances ou des troubles anxieux. Elle repose sur un principe simple : transformer un souvenir à travers des images symboliques, sans revivre le choc. Et si cette approche non pharmacologique pouvait compléter, encadrer ou prolonger l’effet des thérapies assistées par psychédéliques ? Derrière cette hypothèse émergente se cachent des convergences prometteuses, mais aussi de nombreuses questions sur l’efficacité réelle, la sécurité du cadre et la complémentarité entre deux formes de transformation psychique.

Deux approches, un même objectif : réécrire la mémoire douloureuse

Imagination dirigée ou substance active, ces deux voies visent à modifier la façon dont le cerveau enregistre des expériences émotionnelles intenses.

À première vue, tout semble opposer la RIM, méthode douce d’imagerie mentale guidée, et les psychédéliques, substances qui altèrent profondément la perception. Pourtant, un point commun les rapproche : leur capacité à réactiver une mémoire tout en la rendant malléable. Ce principe, qu’on retrouve dans plusieurs approches thérapeutiques, repose sur une idée simple : lorsqu’un souvenir est ramené à la conscience dans un état spécifique, il devient possible de le réencoder autrement 1.

La RIM agit en amenant le patient à générer des images symboliques qui transforment une sensation pénible. Les psychédéliques, eux, induisent une plasticité émotionnelle qui permet d’accéder à des contenus profonds souvent liés à des événements anciens. Dans les deux cas, c’est le contexte neuro-émotionnel particulier qui permet cette mise à jour du souvenir 2.

C’est quoi la RIM ?

La RIM, pour Regenerating Images in Memory (Régénération d’images en mémoire), est une approche développée par Deborah Sandella. Elle repose sur un principe central : lorsque le cerveau se représente activement une mémoire émotionnelle dans un état de sécurité, il devient possible de la transformer 1.

Plutôt que de raconter une scène pénible, le patient laisse venir des images mentales associées à une sensation. Ces images sont ensuite guidées ou modifiées, jusqu’à faire émerger un sentiment de soulagement. Le processus mobilise les ressources internes du patient sans imposer de narration.

Par exemple, une personne hantée par une chute à vélo peut visualiser l’instant juste avant l’accident. En séance RIM, cette image pourrait évoluer spontanément vers une scène où elle se relève et s’éloigne en sécurité, accompagnée d’un sentiment de calme. Cette reconfiguration symbolique permet souvent un relâchement émotionnel durable.

Contrairement à d’autres formes de verbalisation, la RIM fait appel à l’imaginaire, aux émotions et aux sensations corporelles. Elle se pratique en séance individuelle, sans hypnose ni substance. Elle est utilisée dans l’accompagnement des traumas, des cauchemars, de l’anxiété ou du deuil, sur des formats courts de 30 à 60 minutes.

Les psychédéliques en thérapie, comment ça marche ?

Les psychédéliques sont des substances qui modifient profondément la perception, les émotions et la conscience. En thérapie, ils sont utilisés dans des contextes strictement encadrés, notamment pour réactiver des expériences émotionnelles profondes et permettre au cerveau de reformuler certains vécus. La recherche a montré qu’une seule prise, dans un cadre sécurisé, peut entraîner une fenêtre de neuroplasticité, c’est-à-dire une période durant laquelle le cerveau est plus apte à établir de nouvelles connexions 2.

Pendant cette phase, les patients peuvent revisiter des souvenirs chargés de douleur ou de peur, mais avec un sentiment d’ouverture, de recul ou d’acceptation. Ce phénomène est observé, par exemple, dans l’usage de la psilocybine pour la dépression, ou de la MDMA dans les troubles liés aux traumas.

Ces substances ne guérissent pas à elles seules. Elles facilitent un travail psychothérapeutique plus profond, souvent en réduisant les mécanismes de défense habituels. La qualité de l’accompagnement, la préparation et l’intégration des expériences sont considérées comme des facteurs essentiels de leur efficacité.

Ce que la science commence à montrer

Les premières données issues de la recherche suggèrent des effets mesurables, sans pour autant suffire à valider l’efficacité des approches combinées.

Les effets de la RIM et des psychédéliques sur le cerveau ne relèvent plus uniquement du ressenti. Certains chercheurs ont commencé à observer ce qui se passe pendant une séance, grâce à un dispositif appelé EEG, un casque qui mesure l’activité électrique cérébrale. Pendant une intervention RIM, ils ont noté que l’activité glissait des zones frontales (liées à l’analyse et au contrôle) vers les zones temporales (associées à l’émotion et à la mémoire). En fin de séance, les deux zones semblaient se synchroniser. Ce schéma cérébral rappelle celui observé lors de certaines expériences avec des substances psychédéliques 2.

De leur côté, les études cliniques sur la MDMA ont montré des résultats très encourageants. Une équipe a mené un essai auprès de personnes souffrant de trouble du stress post-traumatique modéré à sévère. Après trois séances de thérapie assistée, environ 7 participants sur 10 n’entraient plus dans les critères du diagnostic. Ces résultats ne suffisent pas à généraliser l’usage de la substance, mais ils ont marqué un tournant dans la reconnaissance de ce type d’approche 3.

À ce jour, il n’existe pas encore d’étude combinant RIM et psychédéliques dans un protocole commun. Mais la proximité des effets observés alimente de nouvelles hypothèses que la recherche pourrait explorer.

Trois façons d’associer RIM et psychédéliques

Avant, pendant ou après une séance psychédélique, la RIM pourrait servir de soutien pour clarifier, traverser ou consolider l’expérience vécue.

Avant la séance : clarifier l’intention

Dans les protocoles psychédéliques, la préparation mentale est essentielle. Elle vise à établir un cadre de sécurité et à formuler une intention thérapeutique claire. La RIM pourrait s’intégrer dans cette phase en aidant le patient à explorer ses attentes ou ses résistances à travers l’imagerie guidée. Ce travail en amont activerait déjà certains circuits émotionnels, tout en permettant de commencer le processus de transformation sans confrontation directe.

Pendant la séance : renforcer la sécurité

En cas de surcharge émotionnelle sous substance, on peut envisager l’usage ponctuel d’un rappel d’image ressource générée en amont. Sans interrompre totalement la séance, cette activation symbolique pourrait offrir un point d’ancrage corporel, facilitant la traversée de certaines vagues émotionnelles.

Après la séance : ancrer l’expérience

L’intégration est la phase où les apprentissages issus de la séance prennent forme. La RIM pourrait alors être mobilisée pour rejouer certaines scènes, renforcer les éléments positifs ou mettre en forme des sensations encore floues. Ce travail symbolique faciliterait l’ancrage des bénéfices dans la mémoire émotionnelle, sans nécessiter de verbalisation exhaustive.

Promesses et limites d’une alliance incertaine

L’association RIM-Psychédéliques peut susciter de l’enthousiasme, mais elle pose aussi des questions importantes sur le cadre, la sécurité et les limites thérapeutiques.

Ce que cette alliance pourrait offrir

Une méthode comme la RIM, déjà accessible, brève et non pharmacologique, pourrait élargir l’accès aux thérapies assistées par psychédéliques en amont ou en aval des séances actives. Sa complémentarité avec des états de plasticité cérébrale induits par la MDMA ou la psilocybine laisse entrevoir des protocoles plus adaptables, mieux tolérés par certains profils sensibles ou non éligibles à la prise de substance. Elle pourrait aussi renforcer la continuité du travail thérapeutique, notamment entre les séances, sans nécessiter de supervision médicale constante.

Ce qui doit rester sous contrôle

Toute approche qui modifie la mémoire émotionnelle touche à des contenus sensibles. Le recours à des psychédéliques impose une surveillance clinique rigoureuse, notamment pour prévenir les effets secondaires (pics de tension, confusion, réactions anxieuses). L’alliance avec une méthode comme la RIM, même douce, ne doit pas faire oublier l’importance du cadre éthique : relation thérapeutique claire, consentement éclairé, respect des limites du praticien. Une mauvaise interprétation de cette complémentarité pourrait conduire à des usages trop libres ou à des projections non intégrées.

À quoi pourrait ressembler un parcours thérapeutique combiné ?

Imaginons un cadre thérapeutique où l’imagerie mentale et les substances psychédéliques s’articulent dans un parcours sécurisé, progressif et supervisé.

Dans un avenir proche, il est possible que certaines structures proposent un accompagnement hybride articulant RIM et thérapies assistées par les psychédéliques, sous la supervision de praticiens formés. Le parcours commencerait par des séances d’imagerie dirigée, pour explorer les zones sensibles, établir une intention et créer des images ressources mobilisables ensuite.

Les séances psychédéliques, limitées en nombre et encadrées sur le plan médical, seraient ensuite intégrées dans ce protocole comme des moments clés de désactivation défensive et de reconfiguration émotionnelle. La phase post-séance pourrait elle aussi mobiliser la RIM pour rejouer certaines scènes, reformuler les symboles perçus ou transformer des séquences floues en souvenirs clairs et réparateurs.

Ce type de protocole supposerait une formation spécifique des praticiens, une articulation fine entre suivi psychothérapeutique et encadrement somatique, et un cadre éthique renforcé. Il ne s’agit pas de multiplier les outils, mais de créer des passerelles cohérentes entre les différentes modalités de transformation.


🧠 RIM + psychédéliques : et si la transformation ne passait pas que par les molécules ?

Imagerie mentale, réécriture symbolique, plasticité émotionnelle… Associer une méthode non pharmacologique à des thérapies assistées par psychédéliques pourrait ouvrir de nouveaux chemins de soin. Encore faut-il que le cadre, l’alliance et les effets soient bien compris.

🌱 Et vous, que pensez-vous d’un protocole qui marierait travail d’imagerie et expérience modifiée de conscience ? Vous semble-t-il complémentaire, inutile, ou trop risqué ?

💬 Partagez vos réflexions en commentaire ! Vos questions, réserves ou intuitions sont les bienvenues pour nourrir le débat sur ces nouvelles formes d’accompagnement.


Sources :

  1. Cole, K. (2018). Regenerating Images in Memory (RIM): An Introduction for Therapists. PACJA.
  2. Cook, P. F. et al. (2025). How is a psychotherapeutic process like a psychedelic drug? Neurocognitive evidence for a novel mechanism of action with Regenerating Images in Memory. Frontiers in Psychology.
  3. Mitchell, J. M. et al. (2023). MDMA-assisted therapy for moderate to severe PTSD: a randomized, placebo-controlled phase 3 trial. Nature Medicine.
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