Candace Oglesby-Adepoju a quitté les essais cliniques psychédéliques, dénonçant un manque d’inclusion. Son témoignage révèle les défis systémiques d’un domaine qui se veut progressiste, mais qui exclut encore trop de voix.

L’expérience mystique est souvent considérée comme un élément central des thérapies assistées par les psychédéliques. La dissolution de l’ego, la sensation d’unité avec l’univers et l’impression d’accéder à une vérité profonde sont régulièrement citées comme des facteurs déterminants dans les bénéfices thérapeutiques de ces substances. Cette vision, dominante depuis les premières études sur la psilocybine et le LSD, a façonné la manière dont ces thérapies sont encadrées et pratiquées.
Mais une nouvelle approche émerge. Des travaux récents suggèrent que l’expérience mystique ne serait pas le seul, ni même le principal moteur des effets thérapeutiques des psychédéliques. Le niveau de relaxation atteint au cours d’une séance pourrait jouer un rôle encore plus déterminant, surpassant l’intensité de l’expérience mystique comme prédicteur des bénéfices observés.
Cette perspective amène à repenser les mécanismes à l’œuvre dans ces thérapies et soulève une question essentielle : faut-il privilégier un état de relaxation optimale plutôt que la quête d’une expérience transcendantale ?
L’expérience mystique un facteur central en thérapie psychédélique ?
L’expérience mystique est au cœur des thérapies assistées par les psychédéliques depuis les premières recherches sur la psilocybine et le LSD. Décrite comme un état modifié de conscience où l’individu ressent une dissolution de l’ego et un profond sentiment d’unité, elle a longtemps été perçue comme un élément clé des bénéfices thérapeutiques observés.
Les études cliniques ont mis en évidence plusieurs caractéristiques communes aux expériences mystiques :
- Dissolution de l’ego : perception d’un abandon des frontières entre soi et le monde.
- Sentiment d’unité : sensation d’être connecté à une réalité plus vaste.
- Altération du temps et de l’espace : immersion dans un instant hors du temps.
- Noéticité : conviction profonde d’avoir accédé à une vérité universelle.
Plus l’expérience mystique est intense, plus les améliorations cliniques semblent marquées.
Dans le cadre du traitement de la dépression résistante, du trouble de stress post-traumatique ou encore de l’anxiété existentielle, plusieurs études ont établi une corrélation entre l’intensité de l’expérience mystique et la réduction des symptômes. Le questionnaire MEQ30, conçu pour mesurer ces états subjectifs, est souvent utilisé comme indicateur du potentiel thérapeutique d’une séance psychédélique.
Pourtant, cette approche est aujourd’hui remise en question. L’idée selon laquelle l’expérience mystique est indispensable aux effets thérapeutiques pourrait être une simplification excessive. Une nouvelle hypothèse émerge : et si la relaxation était le véritable moteur des bénéfices des psychédéliques ?
Relaxation et thérapie psychédélique
Si l’expérience mystique a longtemps été perçue comme un élément central des thérapies assistées par les psychédéliques, une autre approche remet en question cette hypothèse. Le niveau de relaxation atteint lors d’une séance pourrait être un facteur tout aussi déterminant.
Contrairement à l’expérience mystique, qui repose sur des altérations profondes de la conscience, la relaxation agirait sur la régulation du stress et des émotions négatives. Une analyse des données issues d’essais cliniques suggère que plus un patient atteint un état de détente profond, plus les effets thérapeutiques sont marqués.
Les chercheurs identifient plusieurs mécanismes pouvant expliquer ce phénomène :
- Activation du système nerveux parasympathique, entraînant une réduction du stress physiologique.
- Diminution de la rumination mentale, favorisant un lâcher-prise émotionnel.
- Augmentation de la neuroplasticité, optimisant l’intégration des expériences vécues sous psychédéliques.
La relaxation sous psychédéliques pourrait être plus importante que la recherche d’une expérience mystique.
Cette hypothèse ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques. Plutôt que d’orienter les patients vers une expérience transcendante, il pourrait être plus pertinent de favoriser un environnement propice à la détente et à l’apaisement émotionnel.
Mécanismes neurophysiologiques et psychologiques de la relaxation
Les bienfaits thérapeutiques des psychédéliques pourraient être liés à leur capacité à induire un état de relaxation profonde, plutôt qu’à l’intensité de l’expérience mystique. Cette hypothèse repose sur plusieurs mécanismes neurophysiologiques et psychologiques qui jouent un rôle clé dans la régulation du stress et des émotions.
Le rôle du système nerveux parasympathique
Lorsqu’un individu atteint un état de relaxation profonde, le système nerveux parasympathique s’active, entraînant une réduction de l’activité du système nerveux sympathique, responsable de la réaction de stress. Cette activation se traduit par :
- Une baisse du rythme cardiaque et de la pression artérielle, favorisant un état de calme général.
- Une diminution du taux de cortisol, l’hormone du stress, réduisant ainsi l’anxiété et la tension émotionnelle.
Neuroplasticité et intégration des apprentissages
Les psychédéliques sont connus pour stimuler la neuroplasticité, c’est-à-dire la capacité du cerveau à modifier ses connexions neuronales en réponse à l’expérience. Cet effet serait optimisé dans un état de relaxation, où l’organisme est plus réceptif aux changements durables.
Un cerveau détendu est plus enclin à intégrer de nouvelles perspectives et à dépasser les schémas de pensée rigides.
Réduction des résistances psychologiques
L’état de relaxation facilite le lâcher-prise émotionnel, un élément clé pour permettre aux patients d’explorer en profondeur leurs ressentis et d’accueillir les transformations psychologiques induites par les psychédéliques.
Plutôt que de chercher à provoquer une expérience mystique intense, favoriser la relaxation pourrait être une approche plus accessible et plus adaptée à un plus grand nombre de patients.
Implications cliniques et recommandations pour la thérapie psychédélique
Si la relaxation joue un rôle clé dans les effets thérapeutiques des psychédéliques, cela soulève des questions essentielles sur les pratiques actuelles. Plutôt que de chercher à provoquer une expérience mystique intense, les protocoles thérapeutiques pourraient être optimisés pour favoriser un état de détente profonde, maximisant ainsi les bénéfices du traitement.
Créer un environnement propice à la relaxation
L’expérience psychédélique est fortement influencée par le set & setting. Un cadre rassurant et une préparation axée sur la détente pourraient permettre aux patients d’entrer dans un état favorable à l’intégration thérapeutique.
Quelques recommandations :
- Aménagement de l’espace : privilégier une lumière tamisée, des couleurs apaisantes et un mobilier confortable.
- Musique adaptée : favoriser des sons calmes et répétitifs, plutôt que des morceaux pouvant induire des émotions trop intenses.
- Accompagnement thérapeutique : encourager une posture non directive, permettant au patient de se détendre sans pression de devoir atteindre un état particulier.
Un cadre bien pensé favorise naturellement l’apaisement et la réceptivité aux effets thérapeutiques des psychédéliques.
Adapter la préparation et l’intégration
Une approche axée sur la relaxation pourrait également modifier la manière dont les séances sont préparées et intégrées après l’expérience :
- Avant la séance : proposer des exercices de respiration, de méditation ou de relaxation guidée pour prédisposer le patient à un état de calme.
- Après la séance : encourager un retour en douceur, avec des pratiques intégratives adaptées à l’état émotionnel du patient, comme l’écriture ou le mouvement corporel doux.
Plutôt que de considérer l’expérience mystique comme un objectif à atteindre, l’orientation vers un état de relaxation profonde pourrait rendre les thérapies assistées par les psychédéliques plus accessibles et mieux adaptées aux besoins individuels.
Un changement de perspective dans la thérapie psychédélique
L’idée selon laquelle l’expérience mystique est indispensable aux effets thérapeutiques des psychédéliques a longtemps dominé la recherche et les pratiques cliniques. Pourtant, les données récentes suggèrent une autre lecture : la relaxation pourrait être le véritable moteur des bénéfices observés.
Un état de détente profonde favorise l’activation du système nerveux parasympathique, réduit la rumination mentale et optimise la neuroplasticité, facilitant ainsi l’intégration des expériences vécues sous psychédéliques. Ces mécanismes pourraient expliquer pourquoi certains patients bénéficient de ces thérapies même sans avoir vécu d’expérience mystique intense.
Repenser l’approche thérapeutique en mettant l’accent sur la relaxation pourrait rendre ces traitements plus efficaces et plus accessibles.
L’enjeu est désormais d’adapter les protocoles pour favoriser cet état, en intégrant des conditions optimales de relaxation dans la préparation, la séance et l’intégration. Une approche centrée sur la détente, plutôt que sur la recherche d’une expérience transcendante, pourrait ouvrir la voie à une meilleure adaptation des thérapies psychédéliques aux besoins individuels des patients.
Les recherches futures devront approfondir cette hypothèse et explorer comment ajuster les pratiques pour maximiser les bénéfices cliniques. La relaxation pourrait bien devenir un axe majeur dans l’évolution des thérapies assistées par les psychédéliques.
📢 Les thérapies assistées par les psychédéliques sont-elles réellement efficaces sans expérience mystique ? De nouvelles recherches mettent en avant le rôle central de la relaxation.
💬 Pensez-vous que l’expérience mystique reste un élément clé ou que la détente suffit ? Partagez votre avis en commentaire ! 👇
Sources:
- Cavarra, M., Falzone, A., Ramaekers, J. G., Kuypers, K. P. C., & Mento, C. (2022). Psychedelic-Assisted Psychotherapy—A Systematic Review of Associated Psychological Interventions. Frontiers in Psychology, 13, 887255. DOI : 10.3389/fpsyg.2022.887255
- Calder, A. E., Rausch, B., Liechti, M. E., Holze, F., & Hasler, G. (2024). Naturalistic psychedelic therapy: The role of relaxation and subjective drug effects in antidepressant response. Journal of Psychopharmacology, 38(10), 873-886. DOI : 10.1177/02698811241278873
- Kangaslampi, S. (2023). Association between mystical-type experiences under psychedelics and improvements in well-being or mental health – A comprehensive review of the evidence. Journal of Psychedelic Studies, 7(1), 18-28. DOI : 10.1556/2054.2023.00243
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