L’autocompassion pourrait jouer un rôle clé dans les thérapies psychédéliques en renforçant la résilience, la régulation émotionnelle et le sentiment de sécurité intérieure.

Candace Oglesby-Adepoju, psychothérapeute et spécialiste des essais cliniques sur les psychédéliques aux États-Unis, y a cru. Elle pensait que la médecine psychédélique pouvait offrir une véritable révolution thérapeutique, notamment pour les traumatismes raciaux et intergénérationnels. Mais après quatre ans à lutter contre l’exclusion, les microagressions et l’indifférence, elle a décidé de quitter le domaine.
J’étais la seule thérapeute noire dans la pièce. Encore !
Pourquoi une professionnelle engagée, passionnée par le potentiel des psychédéliques, en est-elle venue à un tel constat ? Son témoignage révèle une réalité troublante : derrière les discours d’inclusion, la diversité reste un mirage dans la recherche clinique psychédélique.
Alors que les psychédéliques montrent un potentiel pour traiter les traumatismes liés au racisme, les personnes qui en auraient le plus besoin sont systématiquement écartées. Et quand des thérapeutes issus des minorités tentent de faire bouger les choses, ils sont souvent ignorés, voire poussés vers la sortie.
L’histoire de Candace met en lumière un problème systémique qui remet en question l’éthique même de la recherche psychédélique. Comment peut-on parler de guérison si l’accès à cette médecine reste un privilège ?
La réalité des thérapeutes et patients racisés dans la recherche psychédélique
Un domaine dominé par les Blancs
La communauté psychédélique contemporaine est majoritairement composée de personnes blanches et issues des classes socio-économiques supérieures. Cette homogénéité est paradoxale, sachant que de nombreuses substances psychédéliques trouvent leurs origines dans des traditions autochtones et afrodescendantes.
Une étude menée en 2023 par Hugo Messager dans le cadre d’un mémoire de psychiatrie met en évidence ce manque de diversité dans l’usage contemporain des psychédéliques en France. L’auteur souligne que les minorités racisées sont largement sous-représentées dans les espaces de recherche et de consommation psychédélique, et ce, malgré un intérêt croissant pour ces substances dans le traitement des traumatismes liés aux oppressions systémiques
Les psychédéliques sont porteurs d’espoir, mais tant que leur accès restera un privilège, ils ne seront pas une solution pour tous.
Barrières d’accès aux soins pour les communautés racisées
Les obstacles à l’accès aux thérapies psychédéliques et aux soins en santé mentale pour les minorités racisées sont bien documentés. Un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, publié en 2024, met en évidence plusieurs freins majeurs :
- Un manque de professionnels formés aux enjeux raciaux et culturels, entraînant une prise en charge inadéquate.
- Une méfiance historique vis-à-vis du système médical, liée à des décennies d’abus et d’expérimentations non éthiques sur les populations noires et autochtones.
- Une absence de sensibilisation aux bienfaits potentiels des psychédéliques pour le traitement des traumatismes raciaux.
Cette combinaison de sous-représentation dans la recherche et d’inégalités structurelles dans l’accès aux soins crée un environnement où les besoins spécifiques des communautés racisées sont largement ignorés. Conséquence : les personnes qui pourraient le plus bénéficier des thérapies psychédéliques en sont souvent exclues.
Le témoignage de Candace Oglesby-Adepoju : De l’espoir à la désillusion
Un parcours semé d’embûches
Candace Oglesby-Adepoju, psychothérapeute afro-américaine, s’est engagée dans la recherche psychédélique avec l’espoir de contribuer à une révolution thérapeutique, en particulier pour les personnes souffrant de traumatismes raciaux et intergénérationnels. Son implication dans les essais cliniques sur les psychédéliques était motivée par une volonté d’ouvrir la voie à une approche plus inclusive.
Mais très vite, la réalité l’a rattrapée. Dans chacune des études où elle a travaillé, elle était la seule thérapeute noire dans la pièce. Ce constat, loin d’être anodin, illustre un problème structurel dans la recherche psychédélique : le manque criant de diversité dans les équipes cliniques.
Le poids du tokénisme
Si Candace a été recrutée en partie pour aider à la diversification des essais cliniques, elle a rapidement compris que son rôle relevait davantage du “tokénisme“ que d’un véritable engagement pour le changement.
Dans son témoignage, elle explique avoir souvent entendu que les questions de diversité et d’équité n’étaient pas une priorité ou faisaient l’objet de discussions sans suite. Elle écrit :
J’ai été confrontée à des microagressions, des préjugés et des biais, tout en plaidant inlassablement pour les communautés racisées. On m’a dit que les questions de diversité et d’équité “n’étaient pas une priorité” ou que c’était “quelque chose sur lequel on travaillait”. Puis ces discussions étaient soudainement abandonnées ou ignorées.
— Candace Oglesby-Adepoju, From Hope to Disillusionment (2025)
Cette invisibilisation constante a été l’un des éléments déterminants de son départ. Lorsqu’elle a tenté d’élever la voix et de proposer des actions concrètes, elle a été progressivement écartée de certaines discussions et décisions stratégiques.
Ce que la recherche psychédélique doit changer
Inclure réellement les communautés marginalisées
Si la recherche psychédélique veut être réellement inclusive, elle doit cesser de se contenter de diversifier ses effectifs en surface. Il est essentiel de créer des essais cliniques menés dans des institutions historiquement sous-représentées, comme les universités noires (HBCUs) ou les centres de santé communautaires spécialisés dans les soins aux populations racisées.
Les partenariats avec ces institutions permettraient d’élargir l’accès aux thérapies psychédéliques aux communautés qui en sont historiquement exclues, tout en intégrant des perspectives culturelles et sociales plus riches.
Décoloniser la recherche psychédélique
Les thérapies psychédéliques sont souvent présentées à travers un prisme occidental, effaçant ainsi les savoirs traditionnels des peuples autochtones et racisés qui utilisent ces substances depuis des siècles. Une recherche plus équitable implique d’intégrer ces approches traditionnelles et de reconnaître les pratiques spirituelles et communautaires comme des éléments essentiels du processus thérapeutique.
Sans cela, la médecine psychédélique risque de reproduire les dynamiques coloniales, où les substances et les méthodes de guérison sont extraites de leurs contextes d’origine pour être adaptées aux standards occidentaux.
Former des thérapeutes de couleur et diversifier les équipes de recherche
Le manque de thérapeutes racisés dans les essais cliniques pose un problème majeur. La présence de professionnels issus des communautés concernées permettrait non seulement de créer un environnement plus sûr et plus compréhensif pour les patients racisés, mais aussi de réduire les biais culturels dans l’interprétation des résultats cliniques.
Cela passe par des initiatives concrètes :
- Offrir des bourses et des formations aux professionnels racisés pour intégrer la recherche psychédélique.
- Mettre en place des protocoles de supervision et de mentorat pour garantir leur intégration et leur évolution dans le domaine.
- Encourager la création de groupes de réflexion inclusifs pour développer des méthodologies adaptées à toutes les populations.
La diversité ne peut pas être un simple effet d’annonce. Si nous voulons que la médecine psychédélique soit un outil de guérison universel, elle doit inclure toutes les voix dans sa construction.
Un appel à l’action pour une recherche plus équitable
L’histoire de Candace Oglesby-Adepoju met en lumière un problème systémique dans la recherche psychédélique : l’exclusion des communautés racisées, tant parmi les patients que parmi les thérapeutes. Alors que ces thérapies sont présentées comme une révolution pour la santé mentale, leur accès reste un privilège réservé à une élite.
Si le domaine veut réellement tenir ses promesses, il doit changer en profondeur :
- Repenser les essais cliniques pour inclure des populations marginalisées.
- Former et soutenir des thérapeutes issus de la diversité.
- Intégrer les savoirs ancestraux et éviter une approche uniquement occidentale des psychédéliques.
Les psychédéliques ont le potentiel de guérir, mais seulement si les structures qui les encadrent sont elles aussi réparées. Tant que les mêmes dynamiques d’exclusion persistent, ces thérapies ne seront qu’un luxe réservé à une minorité.
Parler de guérison sans parler d’équité, c’est perpétuer un système qui continue d’exclure.
Le témoignage de Candace est un signal d’alarme. Reste à savoir si l’industrie psychédélique écoutera ou fera comme si de rien n’était.
📢 La diversité dans la recherche psychédélique : une priorité ou une illusion ?
Les essais cliniques sur les psychédéliques promettent une révolution thérapeutique, mais qui en bénéficie réellement ? Malgré un potentiel énorme pour traiter les traumatismes raciaux et intergénérationnels, les communautés les plus touchées restent souvent exclues.
💡 Selon vous, comment le domaine psychédélique peut-il devenir plus équitable ? Faut-il changer les protocoles de recherche, former davantage de thérapeutes issus des minorités, ou encore s’inspirer des pratiques ancestrales ?
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Sources:
- Maps.org (2025) – From Hope to Disillusionment: A Black Therapist’s Exit from Psychedelic Clinical Trials. A Letter to the Psychedelic Scientific Community By Candace Oglesby-Adepoju
- Messager, H. (2023). Étude de l’usage contemporain des psychédéliques auprès d’une population française. Mémoire en psychiatrie, Université de Paris (PDF).
- Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. (2024). L’accueil, la diversité et les pratiques inclusives à Aire ouverte.
- Elligo Health Research. (2022). 3 Strategies for Increasing Diversity in Psychedelic Research.
- Chacruna Institute. (2018). 13 Steps for Promoting Access and Inclusion in Psychedelic Science.
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