Le Portugal autorise le remboursement de l’eskétamine pour traiter la dépression résistante. Un usage strictement hospitalier, encadré et réservé aux patients en échec thérapeutique.

La santé mentale traverse une crise profonde en Europe. Burn-out, dépression, troubles anxieux et conduites addictives explosent, tandis que les réponses thérapeutiques stagnent. Pourtant, certaines approches innovantes, naguère marginales, bénéficient aujourd’hui de solides données cliniques. C’est dans ce contexte qu’est née PsychedeliCare, une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) visant à intégrer certaines thérapies assistées par les psychédéliques dans les systèmes de santé publique. Portée par des citoyens et soutenue par des scientifiques, cette initiative veut faire évoluer la législation pour permettre un accès sécurisé, encadré et fondé sur les preuves à des traitements utilisant la MDMA, la psilocybine ou d’autres substances dans des contextes thérapeutiques rigoureux. Mais à quoi sert vraiment cette initiative ? Et surtout, peut-elle concrètement changer nos vies ?
Qu’est-ce que PsychedeliCare ?
Une réponse citoyenne audacieuse à la crise de santé mentale européenne
Dans un paysage thérapeutique en quête de renouveau, l’initiative PsychedeliCare se présente comme un outil politique inédit. Elle ne vient ni d’un lobby pharmaceutique ni d’un think tank gouvernemental, mais d’un groupe de citoyens européens mobilisés autour d’une idée simple : demander à la Commission européenne de garantir l’accès équitable et sécurisé aux thérapies assistées par psychédéliques, lorsque la science en démontre l’efficacité.
L’idée a émergé en 2023 sous l’impulsion de Théo Giubilei, un professionnel français des affaires publiques européennes formé à Sciences Po Strasbourg, entouré de profils complémentaires : neuroscientifiques, thérapeutes, designers, experts en politiques de santé ou en intelligence artificielle. Leur objectif commun : transformer une connaissance scientifique en action politique, à l’échelle de l’Union Eupopéenne.
Genèse d’une pétition européenne
PsychedeliCare a été officiellement lancée en janvier 2024 sous la forme d’une Initiative Citoyenne Européenne (ICE), un mécanisme peu connu qui permet à un million de citoyens issus d’au moins sept pays de proposer une législation à la Commission européenne 1. Inspirée par les avancées scientifiques sur la MDMA dans le traitement du TSPT 4 ou sur la psilocybine pour les dépressions résistantes 5, l’équipe fondatrice regroupe patients, soignants, chercheurs et militants. Elle met en avant un triple constat : l’urgence clinique, les preuves existantes et l’inaction politique.
Le lancement a été relayé par plusieurs médias spécialisés et a déjà rallié des milliers de signataires à travers l’Europe 2. L’objectif : atteindre un million de signatures avant le 13 janvier 2026.
Un outillage juridique inédit : l’Initiative Citoyenne Européenne
L’ICE constitue un levier puissant mais exigeant. Elle ne se limite pas à une pétition symbolique : si elle réunit suffisamment de signatures validées, la Commission a l’obligation légale d’examiner les demandes formulées, d’y répondre publiquement, et d’envisager une législation. En clair, c’est un canal direct d’influence démocratique, à condition d’avoir un soutien populaire massif et transnational 1.
Ce mécanisme a déjà permis de faire émerger des débats sur l’environnement, le bien-être animal ou la fiscalité. PsychedeliCare est l’une des premières ICE à se centrer sur une réforme de santé mentale, en visant la reconnaissance et l’encadrement des psychédéliques comme outils thérapeutiques validés 6.
Pourquoi cette initiative peut changer nos vies
Quand la science rejoint la mobilisation citoyenne
L’initiative PsychedeliCare ne se contente pas d’un geste symbolique. Elle s’appuie sur une évolution tangible des connaissances scientifiques et sur un constat partagé dans toute l’Europe : les thérapies actuelles ne suffisent plus. En articulant données cliniques, garanties de sécurité et leviers politiques, elle propose un changement systémique, au bénéfice direct des patients.
Les promesses cliniques des psychédéliques
Depuis une dizaine d’années, plusieurs essais contrôlés randomisés ont mis en lumière les effets spectaculaires de substances comme la MDMA ou la psilocybine dans des contextes thérapeutiques encadrés. Une étude de phase 3 menée sur des patients atteints de TSPT modéré à sévère a montré une réduction cliniquement significative des symptômes, bien supérieure à celle observée avec les traitements standards 4. Une autre, parue dans le New England Journal of Medicine, a démontré que une seule dose de psilocybine, administrée avec un accompagnement psychothérapeutique, pouvait améliorer durablement l’état de patients souffrant de dépression résistante 5.
Ces résultats, s’ils ne sont pas une panacée, dessinent un changement de paradigme : au lieu de prescrire un médicament à prendre quotidiennement, il s’agit de proposer une expérience ponctuelle mais transformatrice, dans un cadre thérapeutique rigoureux.
Des standards européens pour sécuriser l’accès
L’un des grands objectifs de PsychedeliCare est d’harmoniser le cadre de recherche, de formation et de prescription au niveau européen. Actuellement, les pays de l’Union avancent en ordre dispersé : certains autorisent des essais cliniques ponctuels, d’autres expérimentent timidement l’usage compassionnel, tandis que la majorité reste figée dans un cadre légal hérité des années 1970.
Or, comme l’a souligné l’Agence européenne des médicaments lors d’un atelier multi-acteurs en 2024, le besoin d’un référentiel commun est devenu critique 6. Cela concerne la formation des praticiens, les critères de sélection des patients, les conditions d’administration (en milieu hospitalier ou spécialisé), mais aussi la supervision post-séance et l’évaluation des effets à long terme.
Mettre en place un standard européen permettrait de limiter les pratiques opportunistes, de protéger les patients les plus vulnérables et de réserver ces traitements aux indications cliniques pour lesquelles les preuves sont jugées suffisantes. Ce cadre ne garantirait pas l’adhésion de tous, mais il offrirait des balises claires, indispensables pour accompagner une éventuelle intégration dans les systèmes de santé.
Trois demandes clés à la Commission
PsychedeliCare ne plaide pas pour une légalisation généralisée, mais pour un accès médical encadré, sous trois angles principaux :
- Financer la recherche sur les psychédéliques en tant que traitements, dans des conditions strictes.
- Harmoniser les cadres réglementaires pour la recherche, la formation et la délivrance des traitements.
- Permettre aux États membres d’intégrer ces thérapies dans leur système de santé, en fonction des résultats cliniques.
Ce programme n’est ni radical, ni marginal : il s’inscrit dans une logique de santé publique fondée sur les preuves, et pourrait à terme offrir une option thérapeutique supplémentaire à des milliers de patients laissés sans solution.
Comment agir ? Mode d’emploi pour chaque citoyen
Signer, partager, s’engager : un levier démocratique à portée de clic
L’un des atouts majeurs de PsychedeliCare, c’est qu’il repose sur un outil juridique concret accessible à tous les citoyens de l’Union européenne. Pas besoin d’être militant, expert ou professionnel de santé pour agir : chaque signature compte, à condition de respecter certaines règles. C’est l’une des rares campagnes de santé publique où votre voix peut réellement modifier le droit européen.
La signature en pratique et les seuils à atteindre
L’Initiative Citoyenne Européenne n’est pas une simple pétition. Elle est encadrée par un règlement strict et soumise à des seuils géographiques et numériques. Pour que PsychedeliCare soit recevable, il faut recueillir au moins un million de signatures dans l’Union européenne, et dépasser un seuil minimal dans au moins sept pays membres 1.
Ce seuil varie en fonction de la population de chaque État. Pour la France, il est fixé à 58 320 signataires. Cela signifie que tant que ce seuil n’est pas atteint, la France ne peut pas “compter” parmi les sept pays requis pour valider juridiquement l’initiative.
La signature se fait en ligne, en quelques clics, via un portail officiel mis à disposition par la Commission européenne. En France, aucune pièce d’identité n’est exigée : il suffit d’indiquer ses nom, prénom, date de naissance et adresse postale. Aucune collecte commerciale n’est effectuée, et la confidentialité des données est garantie 7.
S’impliquer au-delà de la pétition : équipes nationales et plaidoyer local
Signer, c’est déjà beaucoup. Mais PsychedeliCare repose aussi sur un maillage de soutiens locaux : des bénévoles, soignants, chercheurs, citoyens engagés qui diffusent l’initiative, organisent des événements ou contribuent à sa visibilité.
En bas de la page d’accueil du site, une section “Get Involved” permet de s’abonner à la newsletter ou de remplir un formulaire pour rejoindre les équipes actives. Chacun peut proposer ses compétences (communication, coordination, traduction, design, etc.) et préciser dans quel pays il souhaite s’impliquer. Le site met également à disposition un kit activiste contenant des visuels et affiches à imprimer.
L’objectif est clair : créer un mouvement européen décentralisé, transparent et crédible, fondé sur l’accès à l’information et la mobilisation citoyenne. Car sans relais, même la meilleure proposition peut rester lettre morte.
Progression des signatures et premières limites apparentes
Selon les données publiées sur le site officiel de la Commission européenne, 29 198 citoyens avaient signé l’initiative PsychedeliCare au 27 mai 2025. À ce stade, cela représente moins de 3% de l’objectif final d’un million de signatures.
Ce chiffre, bien que tangible, interroge. L’initiative bénéficie d’un contexte favorable : reconnaissance scientifique croissante, médiatisation des enjeux de santé mentale, regain d’intérêt pour la démocratie participative. Pourtant, la mobilisation citoyenne reste limitée.
Pourquoi un tel écart entre l’importance des enjeux soulevés et la réponse effective des citoyens ? Méconnaissance du dispositif, stigmatisation persistante, manque de relais politiques ou absence de médiatisation ciblée ? Ces éléments soulèvent des freins qu’il serait utile de mieux comprendre pour saisir les limites actuelles de l’initiative.
Les obstacles sur la route
Stigmatisation, cadre légal, inertie politique : trois freins à dépasser
Si les thérapies assistées par les psychédéliques suscitent un intérêt croissant dans les milieux scientifiques et chez certains cliniciens, leur intégration dans les politiques publiques demeure limitée. Plusieurs obstacles structurels et culturels freinent encore leur reconnaissance à l’échelle européenne.
Le poids de la stigmatisation historique
L’image des psychédéliques reste souvent associée à l’usage récréatif, à la contre-culture ou à des périodes controversées du XXe siècle. Cette représentation, bien qu’éloignée des réalités cliniques actuelles, continue d’alimenter des craintes et des malentendus dans une partie du débat public.
Ces perceptions négatives pourraient jouer un rôle non négligeable dans la frilosité de certains décideurs et pourraient expliquer la difficulté à mobiliser un large soutien politique autour d’une approche pourtant fondée sur des données probantes.
Des cadres juridiques obsolètes et fragmentés
Malgré les avancées scientifiques, les substances concernées par PsychedeliCare (psilocybine, MDMA, etc.) sont toujours classées parmi les stupéfiants dans la majorité des pays européens. Les essais cliniques autorisés ici ou là ne suffisent pas à compenser un vide réglementaire à l’échelle de l’Union Européenne.
En l’absence de cadre commun, la formation des praticiens, les protocoles cliniques et les dispositifs de suivi restent hétérogènes, voire inexistants dans certains États. Cette situation crée un climat d’incertitude juridique, susceptible de ralentir la recherche, de décourager les soignants et de restreindre l’accès à ces traitements pour les patients.
Une absence de stratégie politique et de financements ciblés
Les troubles mentaux représenteraient plus de 4% du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE, selon les estimations les plus récentes 3. Pourtant, les politiques de financement restent concentrées sur les approches classiques. À ce jour, aucun programme européen structurant n’intègre les thérapies assistées par les psychédéliques comme piste d’innovation.
La recherche repose encore largement sur des initiatives isolées (universitaires, philanthropiques ou privées) sans coordination globale ni vision de long terme. Cette fragmentation limite l’impact des travaux existants, renforce les disparités entre pays et retarde la mise à disposition de solutions pour les patients en impasse thérapeutique.
Pari gagnant ? Scénarios possibles d’ici 2026
Entre accélération politique et occasion manquée
À huit mois de la clôture officielle, l’initiative PsychedeliCare est à la croisée des chemins. Rien n’est encore joué : ni le succès, ni l’échec. Le taux de participation actuel reste bas, mais des relais institutionnels, scientifiques ou citoyens pourraient encore faire basculer la dynamique.
Si le million est atteint : un débat politique incontournable
Dans le cas où l’initiative parvient à réunir un million de signatures réparties sur au moins sept pays de l’UE, la Commission européenne sera juridiquement tenue d’en examiner les demandes. Elle devra organiser une audition publique, répondre par écrit et se positionner officiellement.
Cela ne garantirait pas une réforme immédiate, mais lancerait un débat institutionnel inédit, susceptible de faire évoluer les lignes sur plusieurs fronts : financement de la recherche, reconnaissance des traitements dans certaines indications, élaboration de référentiels européens.
Une telle reconnaissance par les institutions ouvrirait la voie à des changements graduels, mais concrets, dans plusieurs États membres.
Si l’initiative échoue : quelles marges de manœuvre ?
Si l’objectif d’un million de signatures n’est pas atteint avant janvier 2026, l’initiative sera classée sans suite au plan juridique. Mais cela ne signifierait pas un désaveu de fond. Elle aura permis de visibiliser un enjeu de santé publique encore largement ignoré, de créer des coalitions transnationales et de poser les bases d’un débat à long terme.
Des enseignements précieux pourraient en être tirés : sur les stratégies de mobilisation, la nécessité d’un appui politique plus fort, ou encore les relais à construire dans les médias et les milieux médicaux.
Dans tous les cas, cette tentative aura contribué à poser la question suivante : l’Europe veut-elle continuer à ignorer un champ thérapeutique porteur de solutions pour des milliers de patients, ou choisir d’en encadrer les usages de manière responsable ?
Et maintenant, à vous de jouer !
Un enjeu collectif, un geste simple, une opportunité démocratique
L’initiative PsychedeliCare ne repose pas sur une vision marginale ou utopique, mais sur une ambition concrète : faire évoluer la politique européenne de santé mentale à la lumière des données scientifiques disponibles. Cette ambition, pourtant, ne pourra aboutir sans mobilisation citoyenne.
Signer, c’est plus qu’un soutien symbolique. C’est une manière directe de dire que les patients ont droit à des traitements validés, que la recherche mérite un cadre stable, et que la santé mentale doit sortir de l’angle mort des politiques publiques.
🧠 Et si l’Europe changeait sa manière d’aborder la santé mentale ?
PsychedeliCare propose un accès encadré aux thérapies assistées par psychédéliques, fondé sur les preuves scientifiques. Un million de signatures peuvent suffire à ouvrir un débat à l’échelle de l’Union.
✍️ Vous aussi, vous pouvez signer : Accéder au formulaire officiel
💬 Que pensez-vous de cette initiative ? Soutenable, nécessaire, prématurée ? Vos avis comptent. Partagez vos impressions, vos doutes ou vos espoirs en commentaire. 👇
Sources:
- European Commission (2024). European Citizens’ Initiative – PsychedeliCare
- Hesketh, Ryan (2025). Counting Down: PsychedeliCare Launches Citizen’s Campaign for Psychedelic Therapy
- OECD (2022). Santé mentale
- Mitchell, Jennifer M. et al. (2023). MDMA-assisted therapy for moderate to severe PTSD: a randomized, placebo-controlled phase 3 trial
- Goodwin, Guy M. et al. (2022). Single-Dose Psilocybin for a Treatment-Resistant Episode of Major Depression
- European Medicines Agency (2024). Resources for healthcare professionals – European Medicines Agency
- Commission Européenne (2024). Initiative citoyenne européenne – Comment faire
- Therapeutic Goods Administration (2023). Change to classification of psilocybin and MDMA to enable prescribing by authorised psychiatrists
- Oregon Health Authority (2023). Oregon Psilocybin Services
- Frontiers in Pharmacology (2018). Psychedelic-Assisted Psychotherapy: A Paradigm Shift in Psychiatric Research and Development
S’abonner
0 Commentaires
Le plus ancien