Après des décennies de prohibition, les substances psychédéliques réapparaissent comme des thérapies prometteuses pour les troubles liés au stress, tels que la dépression et le trouble de stress post-traumatique. Cependant, leur impact sur les régions cérébrales associées au stress et sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) reste mal compris.
Cette étude explore les effets aigus de la psilocybine sur les principaux régulateurs de l’axe HHS : les neurones à hormone de libération de la corticotropine (CRH) dans le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (CRH-NPV). En utilisant des mesures plasmatiques et la photométrie à fibre unique in vivo, les auteurs démontrent que la psilocybine induit une activation robuste de l’axe HHS via les neurones CRH-NPV. Cette réponse est plus prononcée chez les souris femelles et dépend des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2A et 5-HT2C.
L’électrophysiologie ex vivo indique que les effets médiés par les récepteurs 5-HT2A impliquent un double mécanisme : une dépolarisation post-synaptique directe des neurones CRH-NPV et une augmentation de la libération présynaptique de glutamate. Les résultats révèlent également que la psilocybine modifie la manière dont les neurones CRH-NPV réagissent aux changements environnementaux, entraînant une diminution surprenante de leur activité, ce qui contraste avec les réponses de stress habituellement élevées.
Cette modulation spécifique au contexte pourrait être un mécanisme clé du potentiel thérapeutique des psychédéliques pour recalibrer la réactivité au stress inadaptée. Les résultats soulignent l’interaction entre les systèmes sérotoninergique et de stress et confirment l’influence considérable des facteurs contextuels (le “setting”) sur l’expérience psychédélique. L’étude fournit les premières preuves in vivo et en temps réel de l’activation neuronale du système de stress suite à l’administration de psilocybine, avec des implications importantes pour l’optimisation de l’efficacité thérapeutique des thérapies assistées par psychédéliques.
L’étude vise à explorer les effets aigus de la psilocybine sur les principaux régulateurs de l’axe du stress, à savoir les neurones à hormone de libération de la corticotropine (CRH) situés dans le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus (CRH-NPV).
Les objectifs spécifiques sont d’examiner l’impact de la psilocybine sur le système de stress chez la souris en utilisant l’analyse comportementale, l’hybridation in situ et la photométrie à fibre unique. L’étude cherche notamment à fournir la première preuve en temps réel de l’activation in vivo de l’axe du stress immédiatement après l’administration de psilocybine, et d’élucider les mécanismes sous-jacents, les différences entre les sexes et l’influence du contexte environnemental.
- Sujets : Des souris mâles et femelles, de type sauvage et transgéniques, ont été utilisées pour les expériences.
- Substance administrée : Une injection intrapéritonéale (i.p.) unique de psilocybine (PCB, 3 mg/kg) ou d’un véhicule a été administrée.
- Analyses comportementales : Le comportement des souris, notamment la réponse de secouement de la tête (“head-twitch response” ou HTR), le temps passé en redressement (“rearing”) et en toilettage (“grooming”), a été surveillé pendant 30 minutes après l’injection.
- Mesures endocriniennes : Les niveaux de corticostérone (CORT) ont été mesurés dans des échantillons de plasma sanguin avant, 1 heure après, et 24 heures après l’injection.
- Mesure de l’activité neuronale : La photométrie à fibre unique in vivo a été utilisée pour suivre en temps réel les changements de calcium (proxy de l’activité neuronale) dans les neurones CRH-NPV chez des souris en mouvement libre.
- Analyses neuroanatomiques : L’hybridation in situ par ARNscope a été employée pour quantifier la co-expression des récepteurs 5-HT2A et de la CRH dans les neurones du NPV.
- Électrophysiologie : Des enregistrements par patch-clamp en cellule entière ont été réalisés ex vivo sur des tranches hypothalamiques pour examiner les effets locaux d’un agoniste 5-HT2A sur les neurones CRH-NPV.
- Pharmacologie : Des antagonistes des récepteurs 5-HT2A (kétansérine, MDL 100,907) et 5-HT2C (SB-242084) ont été utilisés pour déterminer leur rôle dans l’activation neuronale induite par la psilocybine.
- Expérience contextuelle : L’étude a évalué la réponse des neurones CRH-NPV à des stresseurs environnementaux (manipulation et exposition à un nouvel environnement) après un traitement à la psilocybine.
- Effets comportementaux et endocriniens : La psilocybine augmente la fréquence de la réponse de secouement de tête (HTR) et les niveaux de corticostérone, tout en réduisant le temps de redressement et de toilettage. Ces réponses comportementales, endocriniennes et neuronales sont significativement plus fortes chez les souris femelles.
- Activation neuronale : La psilocybine induit une activation robuste et soutenue des neurones CRH-NPV in vivo, avec des réponses de pointe plus élevées chez les femelles.
- Mécanismes réceptoriels : L’étude confirme que 65% des neurones CRH-NPV expriment l’ARN des récepteurs 5-HT2A. Les expériences ex vivo montrent qu’un agoniste 5-HT2A provoque à la fois une dépolarisation post-synaptique directe de ces neurones et une augmentation de la libération présynaptique de glutamate.
- Dépendance aux récepteurs 5-HT2A/2C : L’activation des neurones CRH-NPV induite par la psilocybine est dépendante à la fois des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C, car le prétraitement avec des antagonistes sélectifs pour chacun de ces récepteurs atténue de manière significative la réponse neuronale.
- Modulation par le contexte : La psilocybine modifie la réactivité des neurones CRH-NPV aux stresseurs environnementaux. Contrairement aux animaux témoins qui montrent une augmentation d’activité lors de la manipulation et de l’exposition à un nouvel environnement, les souris traitées à la psilocybine ne montrent aucune augmentation d’activité lors de la manipulation et une diminution significative de l’activité dans le nouvel environnement.
L’étude fournit les premières preuves in vivo que la psilocybine active directement les neurones CRH-NPV, qui sont au cœur du système de réponse au stress. Cette activation, médiée par les récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C, est plus prononcée chez les femelles, ce qui souligne l’importance de considérer le sexe dans la recherche préclinique et clinique sur les psychédéliques.
Une découverte majeure est que la psilocybine ne fait pas que déclencher une réponse de stress, elle module la réactivité de ces neurones au contexte environnemental. La suppression de la réponse neuronale typique à un nouvel environnement suggère que la psilocybine pourrait “recalibrer” les circuits de stress inadaptés. Cette flexibilité accrue pourrait être un mécanisme fondamental de ses effets thérapeutiques, en permettant de rompre les schémas de pensée et de comportement rigides associés aux troubles liés au stress.
Ces résultats illustrent de manière frappante l’importance du “setting” (contexte) au niveau neuronal, montrant comment l’environnement peut radicalement modifier les réponses neurophysiologiques à une substance psychédélique. Cela appelle à une conception soignée des environnements thérapeutiques pour optimiser l’efficacité des traitements assistés par psychédéliques et soulève une question fondamentale : l’activation de l’axe HHS est-elle un effet secondaire indésirable ou une composante nécessaire du mécanisme thérapeutique de la psilocybine ?
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