Cette méta-analyse examine les essais cliniques contrôlés par placebo de la thérapie assistée par psychédéliques pour les troubles de la santé mentale. Après une pause de deux décennies, la recherche sur les psychédéliques a repris, et de nouveaux essais sont publiés.
Les auteurs identifient neuf essais cliniques randomisés et contrôlés par placebo de thérapies assistées par psychédéliques publiés depuis 1994. Ces études évaluent la psilocybine, le LSD, l’ayahuasca (contenant de la N,N-diméthyltryptamine et des alcaloïdes inhibiteurs de la monoamine oxydase harmala) et la MDMA. La comparaison de la différence moyenne standardisée entre les groupes expérimental et placebo au point de terminaison principal révèle une taille d’effet moyenne significative de 1,21 (g de Hedges), ce qui est supérieur aux tailles d’effet typiques observées dans les essais de psychopharmacologie ou de psychothérapie.
Les résultats indiquent que les effets sont généralement maintenus lors du suivi pour les trois études ayant conservé un groupe de contrôle placebo. Les analyses soutiennent l’efficacité de la thérapie assistée par psychédéliques pour quatre affections de santé mentale : le trouble de stress post-traumatique (TSPT), l’anxiété/dépression associée à une maladie potentiellement mortelle, la dépression unipolaire et l’anxiété sociale chez les adultes autistes. Bien que la qualité des études soit élevée, la méta-analyse identifie des pistes d’amélioration concernant la conduite et la présentation des essais. Des essais plus vastes avec des échantillons plus diversifiés sont nécessaires pour examiner les modérateurs et médiateurs potentiels des effets, et pour établir si les effets sont maintenus sur le long terme.
La présente méta-analyse vise à synthétiser les résultats de tous les essais randomisés et contrôlés par placebo sur la thérapie assistée par psychédéliques publiés après 1993. L’étude compare la taille d’effet globale entre le groupe expérimental et le groupe placebo au point de terminaison principal.
À titre exploratoire, elle examine également les tailles d’effet pour les psychédéliques classiques (LSD, ayahuasca et psilocybine) par rapport à la MDMA, en raison de leurs effets biologiques et phénoménologiques distincts. L’étude analyse la durabilité des effets en utilisant les données des études ayant maintenu un contrôle placebo lors d’une évaluation de suivi à long terme.
De plus, l’objectif est de déterminer la convergence des essais vers une taille d’effet typique en examinant la variabilité entre les études. Les auteurs caractérisent également le risque de biais dans ces études afin de proposer des améliorations méthodologiques pour les futurs essais cliniques. Enfin, bien que la puissance statistique soit limitée, l’étude examine si des modérateurs pourraient prédire les tailles d’effet. Globalement, elle vise à synthétiser les meilleures preuves cliniques disponibles sur ces thérapies et à suggérer des orientations pour la recherche future.
- La revue systématique a été menée en suivant les lignes directrices PRISMA pour identifier les essais cliniques randomisés et contrôlés par placebo de thérapie assistée par psychédéliques publiés depuis 1994, en excluant les études non anglophones.
- Les critères d’inclusion exigent que la recherche originale soit publiée dans une revue à comité de lecture, qu’il s’agisse d’un essai clinique randomisé contrôlé par placebo, et qu’elle évalue l’effet de la MDMA, la psilocybine, l’ayahuasca, la N,N-diméthyltryptamine (DMT) ou le LSD sur les symptômes d’une condition psychiatrique diagnostiquée selon le DSM-IV ou DSM-V.
- Les recherches bibliographiques ont été effectuées sur PsycInfo, ERIC, Medline, Academic Search Premiere et CINHAL de janvier 1994 à mars 2019, en utilisant des termes spécifiques aux substances actives et aux troubles cliniques.
- Un processus de sélection en plusieurs étapes a permis d’identifier neuf études pour la méta-analyse, après l’exclusion de doublons, d’articles non pertinents, d’études non contrôlées par placebo ou ne traitant pas une condition de santé mentale. Une étude additionnelle a été ajoutée suite à un contact direct avec les auteurs.
- Les tailles d’effet ont été calculées comme des différences moyennes standardisées entre les groupes de traitement actif et de contrôle (placebo) pour les mesures de résultats primaires, transformées en g de Hedges pour ajuster le biais lié à la taille de l’échantillon.
- Les données extraites incluent le diagnostic clinique, la mesure de résultat primaire, la taille de l’échantillon, la conception de l’étude, le médicament et la dose administrée, le nombre de séances de thérapie et de dosage, le type de groupe de contrôle, et les caractéristiques démographiques des participants.
- Le risque de biais a été évalué en utilisant la méthode prescrite par le manuel Cochrane pour les revues systématiques et les interventions (Higgins et Green 2011).
- Des analyses de modération pré-planifiées ont été réalisées à l’aide de méta-régressions pour des variables continues (genre, race/ethnicité, âge moyen, nombre de séances de dosage et de psychothérapie, taille de l’échantillon) et catégoriques (placebo inerte vs. autres contrôles et psychédélique à faible dose vs. autres contrôles).
- Un total de 211 personnes ont participé aux neuf études incluses. La majorité des participants (85%) sont blancs et 53% sont des femmes.
- Les études ont examiné la MDMA (cinq études), la psilocybine (deux études), l’ayahuasca (une étude) et le LSD (une étude). Le nombre moyen de séances de dosage est de 1,9 (ET = 0,8), allant de 1 à 3.
- Les contrôles placebo consistent en de très faibles doses de psychédéliques (cinq études), un placebo inerte (trois études) ou un placebo actif (niacine, une étude). Trois études incluent des évaluations de suivi à long terme contrôlées par placebo.
- Toutes les études ont été pré-enregistrées et présentent un faible risque de biais dû au taux d’attrition et au rapport sélectif des résultats. Cependant, le risque de biais est jugé élevé ou incertain dans la description de la séquence de randomisation, la dissimulation de l’allocation et l’insu des patients, du personnel de recherche et des cliniciens dans la plupart des études.
- L’analyse de l’effet global de la thérapie assistée par psychédéliques dans ces neuf études montre une taille d’effet moyenne significative entre les groupes de Hedges g = 1,21 (z = 9,48, p < 0,001).
- Il n’y a pas de preuve significative d’hétérogénéité, ce qui suggère de faibles niveaux de variabilité entre les études au-delà de l’erreur d’échantillonnage (Qw(8) = 5,61, p = 0,69). Le N de Rosenthal (indice de sécurité) est de 193, ce qui indique une robustesse des effets observés face à d’éventuels résultats nuls.
- Les analyses de sous-groupes ne révèlent pas de différence significative dans la taille d’effet globale entre les thérapies assistées par psychédéliques classiques (Hedges g = 1,20) et les thérapies assistées par MDMA (Hedges g = 1,22).
- Aucune des variables modératrices testées (taille de l’échantillon, nombre de séances de dosage, nombre de séances de psychothérapie, pourcentage de participants blancs ou de femmes, âge moyen, type de condition de contrôle) n’est statistiquement significative.
- Pour les trois études avec un suivi à long terme contrôlé par placebo, la taille d’effet moyenne au point de terminaison principal est de Hedges g = 1,47, et elle diminue de seulement 7,5% pour atteindre Hedges g = 1,36 au point de suivi à long terme, ce qui suggère que les effets sont globalement maintenus.
La méta-analyse confirme l’efficacité des thérapies assistées par psychédéliques pour diverses affections de santé mentale, notamment le trouble de stress post-traumatique, l’anxiété/dépression liée aux maladies potentiellement mortelles, la dépression unipolaire et l’anxiété sociale chez les adultes autistes. La taille d’effet moyenne globale observée (g de Hedges = 1,21) est très importante et représente une probabilité de 80% qu’un patient en thérapie assistée par psychédéliques obtienne un meilleur résultat qu’un patient sous placebo.
Ces tailles d’effet sont obtenues avec seulement 1 à 3 administrations de l’agent thérapeutique, ce qui suggère un mécanisme d’action novateur où les effets dépassent les effets biologiques directs de la substance. Les essais montrent également de faibles taux d’attrition, l’absence d’effets indésirables graves documentés et la conformité aux résultats primaires pré-enregistrés, ce qui indique une efficacité avec des effets indésirables minimes.
Comparativement aux méta-analyses des interventions pharmacologiques ou psychothérapeutiques standards, qui révèlent des tailles d’effet petites à modérées, la thérapie assistée par psychédéliques semble avoir des effets plus importants. Cela peut s’expliquer en partie par le fait qu’elle constitue un traitement combiné. La recherche future devrait directement comparer l’efficacité de ces thérapies aux interventions traditionnelles et évaluer leur rentabilité, car les thérapies actuelles peuvent être relativement coûteuses.
Il est nécessaire de poursuivre la recherche pour évaluer la fiabilité des tailles d’effet observées, car des études antérieures ont montré une diminution possible des tailles d’effet avec des essais plus vastes. La nature du placebo utilisé (doses inactives de substance, placebos inertes ou actifs) pourrait influencer les résultats et nécessite un examen plus approfondi.
Bien que les effets semblent se maintenir à long terme (diminution moyenne de 7,5% de la taille d’effet après le suivi), ces résultats doivent être interprétés avec prudence en raison du faible nombre d’études avec un suivi prolongé contrôlé par placebo. Des échantillons plus diversifiés, incluant des personnes de couleur, sont nécessaires pour améliorer la généralisabilité des résultats, car les études actuelles ont principalement porté sur des volontaires blancs.
Des améliorations méthodologiques sont également requises pour réduire les risques de biais, notamment en ce qui concerne la randomisation, l’insu des participants et du personnel, et la dissimulation de l’allocation. Il est recommandé de mieux décrire et contrôler les pratiques de psychothérapie concomitantes, étant donné le rôle crucial de l’intention et du contexte (set and setting) dans les résultats de la thérapie assistée par psychédéliques.
En conclusion, cette méta-analyse soutient la recherche continue sur la thérapie assistée par psychédéliques. Les grandes tailles d’effet observées, rares en psychiatrie et psychologie, positionnent cette approche comme une direction prometteuse pour le traitement des troubles de santé mentale, malgré certaines limitations méthodologiques identifiées nécessitant des améliorations futures.
La synthèse de cette publication académique peut présenter des erreurs. Envisagez de vérifier ses informations en consultant la publication complète.