La conception de la recherche par essais contrôlés randomisés (ECR) part du principe que l’effet “spécifique” d’un médicament peut être isolé et soustrait de l’effet “non spécifique” du contexte et de la personne.
Bien que les ECR soient utiles pour évaluer le bénéfice supplémentaire d’un nouveau médicament, ils tendent à occulter le potentiel curatif des variables extra-pharmacologiques, connues sous le nom d’effet placebo.
De nombreuses données empiriques suggèrent que les variables physiques, sociales et culturelles dépendant de la personne et du contexte non seulement s’ajoutent aux effets des médicaments, mais les façonnent également, ce qui justifie de les exploiter au profit des patients. Néanmoins, l’utilisation des effets placebo en médecine reste difficile en raison d’obstacles conceptuels et normatifs.
Cet article propose un nouveau cadre inspiré par le domaine de la science psychédélique et son utilisation du concept de set and setting. Ce cadre reconnaît que les facteurs médicamenteux et non médicamenteux entretiennent une relation interactive et synergique. À partir de ce constat, les auteurs suggèrent des moyens de réintégrer les variables non médicamenteuses dans la boîte à outils biomédicale, afin d’exploiter éthiquement l’effet placebo pour améliorer les soins cliniques.
L’objectif de cette revue est de proposer un nouveau cadre pour dépasser les obstacles conceptuels et normatifs qui entravent l’utilisation éthique de l’effet placebo en médecine. Les auteurs s’inspirent pour cela de la science psychédélique et du concept de set and setting.
L’article explore l’évolution historique du concept d’effet placebo, puis s’appuie sur la littérature du champ psychédélique pour formuler des recommandations concrètes visant à réintégrer les variables non-médicamenteuses dans la pratique clinique et améliorer les résultats pour les patients.
- Analyse de l’évolution conceptuelle de l’effet placebo dans le contexte clinique et celui de la recherche, en soulignant ses conceptualisations paradoxales.
- Revue narrative de la littérature sur le concept de set and setting dans la science psychédélique, afin d’en extraire des parallèles avec l’effet placebo.
- Proposition d’un nouveau cadre théorique, le modèle interactif, qui s’oppose au modèle biomédical additif traditionnel en postulant une synergie entre le médicament et les facteurs contextuels.
- Formulation de recommandations pratiques pour les professionnels de santé, basées sur les protocoles de la psychothérapie assistée par psychédéliques (préparation, intervention, intégration), pour exploiter les facteurs extra-pharmacologiques.
- L’analyse historique révèle que l’effet placebo a été conceptualisé de manière paradoxale : considéré comme psychologique et bénin en clinique, mais comme physiologiquement réel et menaçant pour la validité des recherches.
- Le modèle biomédical additif, qui postule que la réponse thérapeutique est la somme de l’effet spécifique du médicament et de l’effet non spécifique du placebo, est jugé réducteur et basé sur des hypothèses non vérifiées d’indépendance et de constance des effets.
- La science psychédélique offre un modèle alternatif interactif, où le médicament et les facteurs non pharmacologiques (set and setting) sont indissociables et entretiennent une relation synergique.
- Le concept de set and setting, qui englobe l’état d’esprit (attentes, humeur) et le contexte (environnement physique, social, culturel), est identifié comme le principal moteur des effets placebo et un outil essentiel pour moduler l’expérience thérapeutique.
- Des recommandations concrètes sont proposées pour améliorer l’efficacité de l’expérience thérapeutique en s’inspirant des protocoles psychédéliques : renforcement de l’alliance thérapeutique, autonomisation du patient, création d’un cadre sécurisant et ritualisé pour l’intervention, et accompagnement à l’intégration des bénéfices.
L’étude suggère que le paradigme de la science psychédélique offre un modèle pertinent pour intégrer les leçons de l’effet placebo dans la pratique médicale générale. Plutôt que de séparer artificiellement le traitement de son contexte, les professionnels de santé sont encouragés à adopter un modèle interactif.
Ce modèle reconnaît l’importance centrale des variables extra-pharmacologiques, résumées par le concept de set and setting, pour garantir la sécurité et l’efficacité des interventions. Les implications pratiques incluent une attention délibérée portée à la relation thérapeutique, à l’autonomisation du patient, et à l’aménagement de l’environnement de soin pour maximiser les résultats cliniques en exploitant éthiquement ces forces biopsychosociales.
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